Louis Becq de Fouquières

C'est ainsi que, dans la chronique Théâtre, sous le titre Prophète malgré lui, Fabienne Pascaud accroche le lecteur de Télérama (n° 2580 du 23 juin 1999). Écrit à l'occasion de la réédition de l'Art de la mise en scène, essai d'esthétique théâtrale par Entre/vues, l'article cite les hommes de l'art qui trouvaient en Louis Becq de Fouquières un visionnaire injustement oublié. 

Bernard Dort, disparu en 1994, le tenait comme «un prophète malgré lui de la mise en scène moderne». Antoine Vitez songea longtemps à rééditer son ouvrage, où il voyait un plaidoyer pour un théâtre subventionné «élitaire pour tous». Le metteur en scène Robert Cantarella et le journaliste Jean-Pierre Han ont finalement republié cet opuscule, avec l'aide de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et celle du Conseil général des Bouches-du-Rhône. Merci à eux et aux Marseillais.

André de Fouquières

Parmi les références à André de Fouquières, celle-ci est probablement la plus chargée de sens. Sous la plume de Marc Lambron, André de Fouquières n'est pas simplement un personnage public de l'histoire. Il devient un symbole, un Leitmotiv qui apparaît en contrepoint à la trame principale de La nuit des masques. Dès les premières pages, arrivé au château de son hôtesse en vue d'une soirée mondaine et déjantée, le héros tombe sur 50 ans de Panache. Avec l'attention que vous accordez aux magazines des salles d'attente, il dévore les voyages d'André de Fouquières aux Indes d'avant Gandhi, à dos d'éléphants mis à disposition par un maharadjah débonnaire. «Tout cela est évidemment admirable», conclut-il tandis qu'appelé par son hôtesse il abandonne sa lecture.

Le Leitmotiv revient alors que le récit atteint son paroxysme. Cherchant à New York la femme qu'il a séduite puis abandonnée à la suite d'un pari, le héros entre dans un club qui accueille un bal masqué. Plongé dans cette nuit de masques, la héros voit passer devant lui un explorateur en short et casque colonial, un Patagon avec ses peintures tribales, un officier tzariste, Robin des Bois, un soutien-gorge phosphorescent, un Écossais en kilt poursuivant une danseuse du ventre, deux Andalouses enlaçant un maharaja. Il ne manquait qu'André de Fouquières. Le héros continue de chercher un visage, et trouve des masques. Soudain apparaît celle qu'il cherche. Les masques tombent. 

On peut noter qu'André de Fouquières est définitivement entré au rang des sèmes à forte charge allusive dans le vocabulaire de Marc Lambron. N'écrit-il pas, à propos de Casimir mène grande vie de Jean d'Ormesson (alias Jeannot les mirettes): «Tout cela [...] a un côté André de Fouquières»? Cela fait quand même plus chic que «C'est classe». A noter pour enrichir l'expression de nos chères têtes blondes...

Rappelez-vous ce spot publicitaire télévisuel. Devant une tribune où siègent des personnes d'une exquise élégance passent de magnifiques automobiles. L'homme debout au milieu de la tribune, qui annonce quelque chose, il vous semble familier sans que vous puissiez le reconnaître. Et soudain tout disparaît dans le «Crunch» d'une mâchoire sur la barre de chocolat. Pendant des années l'image subliminale de cet homme vous a fait préférer Crunch à  Mars et Tobblerone sur le rayon des supermarchés. Aujourd'hui est arrivé le temps de la révélation. Cet homme, cet inconnu si familier, c'est André de Fouquières, qui en effet a présidé de nombreux concours d'élégance automobile. Modiano lui-même le rappelait dans Villa triste. Bon appétit. Et que le créatif qui a conçu cette publicité se dénonce. Il aura droit à une mention dans ces pages.

Cette voie était sans doute la colonne vertébrale du Paris et [des] Parisiens d'André de Fouquières, puisqu'il y a habité jusqu'à sa mort, dans l'appartement dans lequel s'étaient installés ses propres parents. Une plaque est apposée sur l'immeuble, qui rappelle notamment son rôle au club des Parisiens de Paris. C'est au 162 du boulevard Haussman, près du musée Jacquemart-André.